Le Glaneur

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LE MYSTÈRE DE L’IMPASSE RONSIN (1908)

 Mme Steinheil en prison

steinhill m et mme                                                             M. et Mme Steinhil et leur fille Marthe

 

 

Tout est extraordinaire dans cette extraordinaire affaire !

 

(Crimes découvert le 31 mai 1908 par le valet de chambre Rémi Couillard)

 

On se souvient qu'au printemps dernier un crime épouvantable fut commis à Paris, impasse Ronsin. Un peintre. M. Steinheil, et sa belle-mère. Mme Japy, avaient été assassinés pendant la nuit, tandis que Mme Steinheil était retrouvée bâillonnée sur son lit.

Une enquête fut ouverte par M. Leydet, juge d'instruction ; plusieurs pistes furent suivies, mais toutes durent être abandonnées.

La semaine dernière, alors que l’affaire paraissait être enterrée, on apprit qu’une arrestation sensationnelle venait d'être opérée. C’était, celle du domestique de Mme Steinheil, Remy Couillard que sa maitresse accusait formellement d'avoir participé à la tragédie du 31 mai.

Mais, on reconnut bientôt que Mme Steinheil avait dû organiser toute une véritable machination pour obtenir l’arrestation de Couillard le domestique, qui n'avait d'ailleurs cessé de protester de son Innocence, fut remis en liberté. La veuve du malheureux peintre, hantée par la manie des dénonciations, désigna un nouveau coupable, un nommé Wolf, le fils de sa cuisinière.

Wolf fut arrêté. A la suite d’une confrontation émouvante avec son accusatrice, on reconnut que lui aussi était innocent du double crime dont on voulait le charger. On le remit en liberté. Par contre, Mme Steinheil dont l'altitude était des plus suspectes tut mise en état d'arrestation par M. Leydet et envoyée à la prison de Saint-Lazare. La veuve du peintre est inculpée de « complicité de meurtre par aide et assistance »

Saura-t-on Jamais la vérité sur cet affreux crime de l'impasse Ronsin. Le public connaitra-t-il les noms des coupables ? Il est permis d’en douter. La politique est intimement mêlée à cette affaire et il ne fait de doute pour personne que si des « personnalités » sont compromises directement ou indirectement dans ce scandale, le gouvernement saura mettre la lumière sous le boisseau.

Mme Steinheil avait de hautes et puissantes relations. On rapporte qu'un ministre et le frère d'un autre ministre avaient chez elle leurs grandes et petites entrées.

 

Le juge Leydet remplacé

Me Leydet un ami de la famille, et qui d'abord avait été chargé de l'instruction, a été remplacé par M. André. Ce magistrat est affilié à une Loge maçonnique. Il a instruit autrefois l’affaire Humbert, le prétendu complot Tamburini, et c'est à lui que furent confiées, en général les affaires concernant les Congrégations. De tels états de service expliquent te choix du gouvernement.

 

Un accusateur

Dans un des Interrogatoires qu’elle a subi Mme Steinheil, à qui l'on demandait pourquoi elle avait menti en accusant, successivement Couillard et Wolf, a répondu qu'elle voulait se justifier aux yeux d'une personne de ses amies.

 Cette personne, dont Mme Steinheil n'a pas voulu dire le nom, est aujourd'hui connue. Il s’agit de M. Borderel, un agriculteur des Ardennes, maire de la petite commune de Balaives- et-Butz.

M. Borderel avait des relations suivies avec Mme Steinheil. Dans les conversations qu’il eut avec elle, elle lui avoua qu'elle n'était pas satisfaite de son mari et qu'elle n'avait pour lui aucune sympathie.

Peu après Mme Steinheil proposa à son ami d'introduire contre son mari une instance en divorce.

— Après quoi, ajouta-t-elle, nous nous épouserons !

M. Borderel, à qui cette proposition n'eut pas l'air de plaire, la dissuada de ce projet.

Quelque temps après, le crime s'accomplissait.

Des déclarations de M. Borderel ,une déduction s’impose, déduction logique qui a été faite par plusieurs de nos confrères.

Ne pouvant divorcer, Mme Steinheil devait songer à supprimer — ou à faire supprimer — l'obstacle qui s'opposait à ses projets, c’est- à-dire son mari.

Cette déduction M. Borderel l’a faite lui- même, puisque le surlendemain du double meurtre de l'impasse Ronsin, dans une conversation avec un de ses amis, il ne dissimulait pas ses soupçons à l'endroit de Mme Steinheil.

Bien plus, ces soupçons, il les a exprimés à Mme Steinheil elle-même, en ajoutant qu'il ne la reverrait qu'après qu'elle se serait justifiée ! Et ainsi s'explique ce besoin de Justification qui la amenée, ces jours derniers à entasser accusations sur accusations, à vouloir perdre Alexandre Wolf après Rémy Couilllard ; il lui fallait absolument un criminel, dont la culpabilité proclamée lui permettrait enfin de revoir son ami.

 

Exhumation et autopsie

Avant de procéder à de nouveaux interrogatoires de Mme Steinheil et des témoins, M. André, le nouveau juge, a entrepris de refaire rapidement l'enquête. Il a ordonné l'exhumation du peintre et de sa belle-mère, Mme Japy, en même temps qu’une perquisition à l’impasse Ronsin.

Des expériences seront faites afin de savoir si les deux victimes du drame n'auraient pas été empoisonnées ou tout au moins n’avaient pas absorbé avant de mourir un soporifique quelconque, qui les aurait endormies.

Mme Steinheil a été longuement interrogée mardi pour la première fois comme inculpée. Elle a avoué à M. André qu’assurément elle détestait son mari, mais que si elle avait voulu se séparer de lui, le divorce lui suffisait ; qu’elle n'avait pas besoin du crime.

 

Le complice est un homme du monde

Mariette Wolf, l'ancienne cuisinière, interrogée par M. André, a déclaré que si Mme Steinheil était coupable, elle avait, à son avis, un complice et que ce complice était un homme du monde.

 

PETIT MEMENTO DE L’AFFAIRE STEINHEIL

 

etapes

 

Du 26 novembre au 4 décembre 1908

 

Jeudi, 26 novembre. — Mme Steinheil est mise en état d'arrestation, inculpée de complicité de meurtre. Elle est immédiatement écrouée à la prison de Saint-Lazare.

Vendredi, 27 novembre. — M. le juge d'instruction Leydet est remplacé par le juge d'instruction André. — Le Matin publie la confession d’un ami de Mme Steinheil qui habite les Ardennes et qui a sa conviction ; la femme tragique n'a pas assassiné son mari. Les journaux du soir donnent le nom de cet ami : M. Borderel.

Samedi, 28 novembre. — Le juge d'instruction envisage cette hypothèse, d'ailleurs hardie et difficile à admettre : Mme Steinheil aurait commis le crime seule, sans le secours de qui que ce soit. Elle aurait versé un narcotique à sa mère, Mme Japy, et à son mari. Puis elle aurait organisé une mise en scène destinée à dérouter la justice : cambriolage, liens autour de la gorge de Mme Japy et du peintre, violences ; puis elle se serait ligotée elle-même dans son lit. Le juge ordonne l’exhumation des victimes. Dimanche,

29 novembre. — L'exhumation a lieu à Paris, où est enterré M. Steinheil et à Beaucourt (territoire de Belfort), où est enterrée Mme Japy.

Lundi, 30 novembre. — On ne croit plus dans les milieux judiciaires que le crime a été commis par Mme Steinheil seule ; on estime qu'elle a été complice, mais que le crime a été perpétré soit par des apaches, soit par un amant appartenant à la haute société.

Mardi, 1 er décembre. — M. André a procédé à l’interrogatoire de Mme Steinheil. Ses questions ont porté sur deux points :

1° Vous détestiez votre mari ? a demandé le juge. — Parfaitement, a répondu la veuve ; M. Steinheil avait des mœurs infâmes. —

2° Votre ménage vivait de la générosité de vos amants ? — « C'est vrai », avoua Mme Steinheil.

Mercredi 2 décembre. — Pour des raisons juridiques, M e Antony Aubin, avocat de Mme Steinheil, s'oppose à ce que sa cliente soit interrogée. Le juge entend Mme Prévost, l’amie de Mme Steinheil, la dame complaisante, qui avait loué pour la veuve du peintre Vert-Logis, à Bellevue. Mme Prévost ne révèle rien de nouveau.

Jeudi 3 décembre. — Un nouvel interrogatoire de Mme Steinheil n'a rien révélé de nouveau. On parle d’arrestations sensationnelles.

Vendredi 4 décembre. — M. Hamard, chef de la Sûreté, dément le bruit d'arrestations éminentes. —- Mme Steinheil revient à la première version : trois hommes, revêtus de lévites noires et une femme rousse. — Mariette Wolff qui, la veille encore, ne faisait aucunes difficultés pour se laisser interviewer, est devenue subitement muette.

 — En somme l’affaire Steinheil subit un temps d'arrêt, mais l'opinion publique se passionne comme au premier jour.

 

angoises du jury
tragedie de vaugirard

 

Maintenant la question qui se pose de connaitre le mobile de l’assassinat.

 -- Est-il d'ordre passionnel ?

-- Est-il d'ordre intéressé ?

-- Et quel fut le complice de Mme Steinheil ?

Une version qui tend à s’accréditer expliquerait ainsi la tragédie de l’impasse Ronsin.

Eprise du fils d’un riche industriel. Mme Steinheil aurait voulu, pour épouser ce personnage, se débarrasser de son mari.

Et elle aurait trouvé un complice qui séduit ou soudoyé aurait exécuté le crime

 

 

 

 

 

steinheil elle est innocente

 

 
 

Raymond Figeac

    Journal L’Humanité

27 novembre 1908

 
 

steinhill et son avocat

                         Elle est innocente !                                                      Mme Steinhil et son avocat

 

Un peu d'humour !

 

la voluptueuse meg

 

La voluptueuse Mag

 

 

 

Bibliographie

La Croix du Sud-Ouest

Journal L’Humanité



27/01/2023
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