Le Glaneur

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II - HAMMAM - MESKHOUTINE ,"LES BAINS DES DAMNES" LES RECITS

Les récits

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Le mariage arabe

 

Ecoutez plutôt ce récit, que nous reproduisons presque dans les mêmes termes où il nous fut raconté, le soir, sous la tente, par une belle nuit d'été :

 

Brahim et Fatma avaient deux enfants, dont trois moissons avaient à peine séparé la naissance. Ali, le premier né, était, à quinze ans, le plus beau cavalier de sa tribu. Nul, mieux que lui, ne domptait un cheval fougueux ; il excellait à lancer un trait à la course, à frapper de mort l'hyène ou la panthère ; et ce courage si brillant n'effaçait en lui aucune des grâces naïves de la jeunesse.

Aurida (Rose), sa sœur, était belle comme la fleur dont elle portait le nom, fraiche comme la rosée du matin ; ses pieds étaient légers comme les pieds de la gazelle ; ses mains étaient douces et blanches comme le lait ; ses yeux noirs étincelaient comme une étoile au sein des nuits.

Ils s'aimaient tous deux d'un amour tendre et pur. Les premières ardeurs de la jeunesse, loin d'affaiblir ce lien sacré, les resserrèrent de plus en plus. Vainement les jeunes filles de la tribu provoquaient Ali du regard et du sourire ; vainement dans les fantasias bruyantes Aurida se voyait entourée des hommages des jeunes cavaliers, amis de son frère ; leurs deux cœurs demeuraient insensibles. Pour Ali, nulle fille n'égalait en beauté Aurida; et, de son côté. Aurida se disait tout bas que nul homme n'était comparable à son frère.

Déjà ce sentiment Si tendre qui remplissait leurs âmes se mêlait un trouble secret. Aurida rougissait sous les baisers de son frère ; Ali était tremblant comme une tige d'asphodèle lorsqu’il tenait dans sa main la main brûlante de sa sœur. Bientôt la révélation fut complète : cet amour, jusque-là si touchant, si noble et si pur, ne fut plus qu'une passion incestueuse et coupable.

Qui le croirait ? Leurs parents ne cherchèrent point il éteindre ces feux sacrilèges. C'est que Brahim était riche et possédait d’immenses troupeaux qui couvraient les rives Chedakra , lorsqu'ils venaient le soir s'y désaltérer, ayant de rentrer dans le cercle du douar. Ces tentes, ces bœufs, ces esclaves, toutes ces richesses de Brahim n’auraient donc point à subir de partage si le frère et la sœur s'unissaient dans un hymen incestueux.

Cependant, Amar., le cadi, était un homme de bien, juste et soumis à la loi de Dieu ; il résista aux coupables intentions de Brahim, aux prières d'Ali, aux larmes de la jeune fille.

Horreur ! un matin le cadi fut trouvé mort dans sa tente, et on ne put découvrir la main qui l'avait frappé.

Le vertueux Amar eut pour successeur un homme puissant et considéré, lié d'amitié avec Brahim depuis de longues années.

Bientôt le mariage d'Ali et d’Aurida fut publiquement annoncé, et le cadi ne refusa pas de prêter ses mains à l'accomplissement de cette union coupable.

Les préparatifs de la noce se font avec éclat ; Devant le luxe déployé par le vieux Brahim, la conscience publique se tait et s'apaise. En présence de ce couple charmant, émus de tant d'amour, les jeunes hommes et les jeunes femmes trouvent des paroles d'indulgence et de pardon. Le jour est fixé ; de toutes parts arrivent des cavaliers revêtus de leurs plus beaux costumes ; des tentes hospitalières, aux couleurs éclatantes, s'élèvent au loin dans la plaine par les soins des esclaves de Brahim ; de grands feux, allumés çà et là, préparent d’incessants festins ; le couscous bouillonne dans des vases immenses, les bœufs et les moutons rôtissent tout entiers sur la braise. Les jeunes gens marient leurs chansons aux bruits (le la fantasia ; le hennissement des chevaux, les cris de la foule se mêlent aux sons aigus du tboul et de la derbouka.

Silence ! voici le cortège ! Voyez la fiancée, comme elle est belle et comme elle éclipse cet essaim de jeunes filles qui se pressent autour d'elle, toutes parées de leurs plus beaux pendants d’oreilles et de leurs colliers de girofle parsemés d’ambre et de corail. Entendez ces cris joyeux, ces chants d’amour et de fête ? Que parliez-vous de crime et d'inceste ? Tenez ! jamais le ciel ne fut plus pur, jamais les rayons du soleil ne dorèrent d’un plus vif éclat la cime des bois et le gazon des plaines. Dieu lui- même, en faveur de tant de beauté et de tant d'amour, de tant de grâce et de tant de jeunesse, pardonne à cette union inaccoutumée.

…Non ! Dieu ne pardonne pas ! Tout-à-coup le ciel s’obscurcit ; l'éclair sillonne et déchire la nue ; le tonnerre gronde avec fracas ; la terre tremble et menace s'entrouvrit. On fuit en désordre, on se presse, on se heurte ; mais, dans ce moment suprême, les deux amants n'ont point oublié leur amour ; Ali presse sa fiancée dans ses bras et semble délier la colère céleste.

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la femme petrifiée

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L'homme petrifié

 

 

Tenez ! les voyez-vous encore, s'étreignant dans un dernier baiser. Ces corps qu'animaient naguère tant de jeunesse et tant d'amour ne sont plus maintenant quo deux pierres colossales, monuments éternels du châtiment divin !

Auprès d’eux, cette pierre plus élevée, c’est le cadi, victime de sa coupable indulgence : on le reconnait encore au turban qu’il portait sur la tête.

Derrière. Aurida, voyez-vous le chameau qui portait ses présents de noce ; et, plus loin, Brahim et Fatma, qu'une étreinte convulsive a rapprochés en mourant.

Et cette foule foudroyée, ces musiciens dont la tempête a brisé les instruments ; ces serviteurs, ces vierges immobiles, ces tentes pétrifiées, tout enfin, tout atteste de la grandeur du crime, et la puissance du châtiment !

Et pour que les hommes ne perdent pas la mémoire de cette punition solennelle, pour que sans cesse la colère céleste se montre présente et inassouvie, Dieu permet que les feux du festin brûlent éternellement, qu'une fumée épaisse, des eaux brûlantes jaillissent du sein de la terre, et que des grains blancs, pareils à ceux du couscous, couvrent le sol désolé.

Savez-vous une explication scientifique qui vaille ce poème grandiose ? qui nous font les sels alcalins, les eaux thermales, les cônes superposés, auprès du souvenir touchant et de sa fiancée, de leur amour naïf, auprès de cette catastrophe épouvantable, imprévue !

 

I - HAMMAM - MESKHOUTINE ,"LES BAINS DES DAMNES" III- HAMMAM - MESKHOUTINE ,"LES BAINS DES DAMNES" LE ROI SALOMON

IV- HAMMAM-MESKHOUTINE " LES BAINS DES DAMNES" HISTOIRE ET POESIE

 



20/07/2024
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